Dép. fédéral de justice et police
Réunion ministérielle des Etats parties à la Convention de 1951 et/ou son Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés du 12 au 13 décembre 2001
Berne (ots)
Allocution de la Suisse
Mme la Conseillère fédérale Ruth Metzler-Arnold
Madame la Présidente, Monsieur le Président de l'Assemblée générale, Monsieur le Haut Commissaire, Mesdames et Messieurs les Ministres, Excellences, Mesdames et Messieurs les délégués,
Nous partageons ensemble, ici, un moment historique:
- parce que depuis l'adoption de la Convention sur les réfugiés - il y a maintenant un demi-siècle - nous nous retrouvons pour la première fois en réunion formelle des Etats parties et
- parce que c'est également la première fois que les Etats parties vont adopter une déclaration relative à l'application de la Convention.
La Convention va prendre ainsi une nouvelle impulsion, ce qui explique les raisons pour lesquelles, en plus de motifs historiques et politiques, mon gouvernement a proposé, conjointement avec le HCR, d'organiser cette réunion.
Les raisons historiques: Genève ville à vocation humanitaire et siège du HCR
La vision tragique des flux de réfugiés de la deuxième guerre mondiale avait incité en 1951 le Conseil économique et social des Nations Unies à donner une définition générale au statut des réfugiés.
De son initiative est née une ébauche de la Convention internationale des réfugiés. Celle-ci s'est concrétisée lors de la Conférence des plénipotentiaires qui s'est tenue à Genève du 2 au 25 juillet 1951.
Trois jours plus tard, le 28 juillet, les Nations Unies adoptaient formellement le texte. La rapidité du processus reflète sans nul doute le consensus des 26 Etats ayant participé aux négociations.
Mesdames et Messieurs, les Nations Unies ont prouvé, ce jour-là, en ce 28 juillet 1951, leur efficacité et leur volonté de régler un problème brûlant.
Il me semble que nous devons nous inspirer de leur initiative et de leur rapidité. Et je souhaite qu'à l'issue de cette réunion, nous aurons fait preuve d'un même esprit.
Genève : ville internationale
Que Genève ait été le lieu de la rédaction finale de la Convention, n'est pas le fruit du hasard. Il fallait, pour donner toute la valeur nécessaire à un texte sensible à la souffrance humaine, un environnement qui soit à la hauteur de cette noble tâche.
Genève, forte de sa tradition humanitaire, depuis le 16ème siècle, a toujours ouvert sa porte pour accueillir les victimes de guerres et de persécutions.
Derrière ses murs, les réfugiés, de l'Europe, puis du monde entier, ont trouvé un havre de protection et ont pu recréer une vie nouvelle. Ils ont apporté, par leurs connaissances inédites, leur histoire et leur expérience une grande contribution à la vie sociale, économique, culturelle, religieuse et scientifique de Genève.
En devenant le siège de la Société des Nations Unies en 1919, Genève a confirmé sa vocation. Aujourd'hui Genève abrite 22 organisations internationales et 145 Etats y ont installé une mission permanente.
Le Conseil fédéral et les autorités genevoises attachent une grande importance à ce que Genève soit, et reste, un lieu d'accueil privilégié d'organisations internationales, en particulier humanitaires.
Les grands moments du HCR
Quoi de plus normal que cette réunion ait lieu non seulement à Genève mais aussi dans la ville qui abrite le siège du HCR.
Permettez-moi de retracer ici les grands moments de l'action humanitaire du HCR.
Si la Convention a fixé le principe du refuge dans l'ordre juridique international, le HCR, lui, a soutenu des millions de réfugiés au cours de son histoire. La communauté internationale avait certes limité son mandat à 3 ans, ne l'estimant pas voué à une existence durable. Pourtant, le HCR fut bien - lors de toutes les crises humanitaires qui ont marqué la seconde moitié du 20ème siècle - au côté des victimes.
La crise de Hongrie d'abord, en 1956, puis les crises dans l'hémisphère sud dont nous n'avons pas oublié les plus graves, le Bangladesh - 10 millions de réfugiés, l'Indochine 2 millions de boat-people, l'Afghanistan - 6 millions de réfugiés toujours dans l'attente du retour.
Puis se succédèrent les crises de l'après guerre froide, dans les Balkans et dans le Caucase, où, là encore, les réfugiés se comptent par millions. Vinrent ensuite les événements dans la région des Grands Lacs, qui secouèrent toute l'Afrique. Et n'oublions pas ceux, moins nombreux qui, individuellement, ont fui l'oppression. Sans la protection et l'assistance du HCR, combien auraient été irrémédiablement perdus?
Les raisons politiques
Les réussites du HCR ont également contribué au fait que, depuis son entrée en vigueur le 22 avril 1954, 141 Etats ont ratifié la et/ou son Protocole; leur conférant ainsi une place prépondérante parmi les instruments universels.
Fêter aujourd'hui son cinquantième anniversaire, consiste à réaffirmer l'engagement de tous les Etats parties à respecter la Convention.
En effet, aucune autre convention ne fournit une protection internationale aussi efficace pour les réfugiés. La clarté lapidaire et le caractère atemporel de ses dispositions permettent de cerner objectivement leurs droits fondamentaux. Ceux-ci constituent le dernier recours des individus contraints de fuir leur pays. A ce titre, la Convention va au-delà du droit humanitaire pour faire le lien avec les Droits de l'homme.
Il suffit d'observer le monde d'aujourd'hui pour que soit démontré, 50 ans après l'adoption de la Convention, que celle-ci n'a rien perdu de son actualité. Comme par le passé, les individus fuient en raison des persécutions, des violations des Droits de l'homme et de la guerre. Si ces causes pourtant se sont à peine modifiées, elles ont pris une ampleur inégalée.
Aujourd'hui, l'application de la Convention, exige des solutions globales qui puissent tenir compte d'un nombre de réfugiés malheureusement en constante augmentation.
Cette extension humaine et géographique du phénomène de l'asile a incité les Etats à se concentrer sur les problèmes qui les préoccupent le plus, au détriment d'une approche globale.
-Ainsi, les pays industrialisés tentent de démêler l'écheveau complexe qui embrouille migration économique, d'une part, et réfugiés, d'autre part. Néanmoins, l'abus de l'asile par des migrants en quête d'un meilleur avenir économique, ne doit pas nous amener à interpréter la Convention d'une façon plus restrictive que ses auteurs l'ont conçue.
-Les pays du Sud, quant à eux, doivent faire face à des problèmes d'un tout autre ordre. Parfois débordés par des afflux importants de réfugiés, ils ne disposent pas des moyens nécessaires pour apporter les solutions opérationnelles à court terme. De plus, ils ne peuvent pas toujours compter sur la collaboration des pays d'origine pour réadmettre leurs nationaux. Il en découle des problèmes qui s'étendent sur des années. Ils doivent ainsi porter un fardeau que les autres Etats ne veulent souvent pas partager.
-Aujourd'hui, tant pour les pays du Sud que du Nord, est venue se greffer sur ces faits la question de la sécurité. Les événements du 11 septembre montrent aux Etats que la circulation (facilitée) des personnes pose des problèmes de sécurité. Mais le combat contre le terrorisme ne doit pas se faire au détriment des réfugiés ou des personnes qui demandent une protection et en ont effectivement besoin.
Nous nous trouvons à l'aube d'une époque où nous devons accepter de travailler dans la perspective de dimensions nouvelles. Un premier défi que la Suisse propose de relever dans le cadre de cette réunion est une réflexion sur la manière de renforcer la mise en uvre de la Convention.
Pour ce faire, il convient de souligner que la Convention ne prendra toute sa valeur que si les Etats s'engagent réellement à l'appliquer pleinement. Par réellement, j'entends une mise en uvre pleine et entière.
Je suis très satisfaite que cette question soit prévue d'être traitée dans le cadre de la première table ronde et j'aimerais lancer quelques idées pour ce débat.
A mon avis, on peut indiquer trois lignes directrices.
1. Tout d'abord, il me semble que la responsabilité en matière de réfugiés est une responsabilité nationale et celle de la collectivité des Etats parties.
- La responsabilité nationale repose notamment sur l'adoption d'une législation et d'une politique en matière d'asile qui doivent créer le cadre adéquat à l'accueil et à la protection des réfugiés qui n'ont plus d'autre choix que de quitter leur pays d'origine.
- La responsabilité de la collectivité des Etats parties exige de la part de tous les Etats une application correcte des dispositions de la Convention et un engagement effectif et sans faille au respect de ces dispositions. Pour que cette responsabilité collective déploie tout son effet, la Convention doit viser l'universalité, c'est-à-dire la participation de tous à la Convention et à sa mise en uvre. J'en appelle donc à tous les Etats qui n'ont pas encore signé et ratifié la Convention et son Protocole, pour qu'ils mettent tout en uvre pour en devenir partie.
2. Il s'agira ensuite de mettre en place un cadre adéquat pour ouvrir un dialogue fructueux et constructif sur la mise en uvre de la Convention.
La coopération internationale, à mon avis, doit se fonder sur la lettre et l'esprit de la Convention.
Le caractère général des dispositions de la Convention ne doit pas être utilisé, par les Etats confrontés à des difficultés d'application, pour vider la Convention de sa substance. Le principe du non-refoulement par exemple, pierre angulaire de la Convention, doit être appliqué dans son intégralité.
3. Enfin, si le HCR ne dispose pas de moyens financiers adéquats, la Convention deviendra lettre morte. Les difficultés financières endémiques, rencontrées par le HCR, doivent trouver une fin. Ce n'est que libéré de ces tracasseries que le HCR pourra poursuivre son travail efficacement et soutenir les Etats à mettre en uvre les dispositions de la Convention. Une participation financière accrue des Etats donateurs s'avère donc indispensable.
Je suis certaine que le Haut-Commissaire est conscient des éléments que je viens de mentionner. J'aimerais l'encourager à poursuivre le débat sur les activités de protection dans le cadre des Consultations mondiales. L'état des lieux que nous pourrons en tirer, nous mènera certainement à l'élaboration d'un plan de travail concret qui devrait prendre une place importante dans l'Agenda commun de protection du HCR et des Etats.
En effet, sans le mandat de protection, le HCR perdrait sa raison d'être.
Je le répète, nous vivons un moment historique. 50 années de l'histoire des réfugiés ont été écrites. Le réfugié trouve, avec la Convention, un soutien objectif et équitable pour assurer la sauvegarde de sa liberté. Il est du devoir des Etats de protéger les principe d'humanité en péril, afin que sur les routes de l'exil - tant que dureront les guerres et les persécutions - le réfugié sache, qu'au bout du chemin, il pourra, encore et toujours, entrevoir la délivrance, la liberté et une vie nouvelle.
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