Département fédéral de l'économie
Le DFE et sa politique d'intégration
Allocution du Conseiller fédéral Pascal Couchepin Ile Saint-Pierre, le 2 juillet 2001
Seule la version orale fait foi
Mesdames et Messieurs,
J'aimerais tout d'abord saluer les représentantes et représentants des médias ici présents. Je me réjouis du fait que, cette année encore, vous soyez nombreux à notre rendez-vous de l'Ile Saint-Pierre. Nous voulons que cette " excursion " traditionnelle de l'été soit l'occasion de prendre, dans un environnement agréable et une ambiance détendue, un peu de distance par rapport au quotidien.
Vous vous souvenez sans doute que, lorsque j'ai pris mes fonctions, il y a trois ans, je voulais orienter les multiples activités du Département fédéral de l'économie (DFE) vers un objectif commun : une politique économique axée sur la croissance. C'est pourquoi, il y a deux ans, ici même, nous avons dévoilé les lignes directrices de notre département. Je souhaitais que ces directives orientent notre regard vers l'avenir, au-delà des préoccupations du moment, que nous coordonnions les diverses activités des offices du DFE et que nous mettions en uvre une politique cohérente pour la législature actuelle.
La première moitié de la période législative est écoulée. C'est le moment de dresser un bilan intermédiaire : où en sommes-nous ? Quels sont les objectifs atteints ? Dans quels domaines devons-nous intensifier nos efforts ? Vous trouvez les lignes directrices de 1999 dans le dossier qui vous a été distribué. A l'époque, nous avions défini cinq lignes directrices qui devaient servir de fil rouge à la politique du DFE pour la législature 1999-2003. Depuis mi- 1999, étape par étape, nous avons réalisé, en rapport avec chacune des lignes directrices, un grand nombre de projets importants. Vous en trouverez un aperçu dans le dépliant qui présente notre bilan intermédiaire. Nous sommes également en mesure de vous présenter aujourd'hui un tour d'horizon des appréciations données par plusieures organisations internationales sur la politique économique de la Suisse. Le seco s'est donné la peine de résumer les principales analyses et recommandations contenues dans les rapports de l'OCDE, du FMI et de l'OMC. Le résultat est un vaste document, qui dresse un bilan intermédiaire de notre politique économique, en quelque sorte " vue de l'extérieur ". Il contient des observations parfois très critiques et je ne puis que vous en recommander chaudement la lecture.
Un coup d'il à notre propre bilan intermédiaire permet de se rendre compte qu'à mi-parcours, nous avons déjà réalisé une part importante des objectifs fixés. Nous sommes satisfaits, mais nous voudrions maintenant profiter d'une conjoncture favorable pour aller de l'avant et mener à bien d'autres projets. Je pense ici à la révision partielle de la loi sur les cartels ou à la réforme de l'agriculture qu'il faut mener à terme.
Mesdames et Messieurs,
Vous connaissez ma conviction : c'est une politique libérale qui est la mieux à même d'assurer une croissance économique durable. Je suis également convaincu que notre politique économique libérale est une politique d'intégration et de participation. Aucun domaine ne la met mieux en évidence que la politique du marché du travail. Je vous communique aujourd'hui le chiffre, encore provisoire, du taux de chômage en juin 2001 : par rapport au mois précédent, où il était de 1,7%, le niveau de chômage a encore baissé et n'est plus que de 1,6%.
Bien que nous ayons perdu beaucoup d'emplois dans les années 90, nous sommes aujourd'hui dans le peloton de tête quant à la population active. En comparaison avec l'UE, les États-Unis ou le Japon, et en proportion de la population résidante, c'est la Suisse - et de loin - qui compte le plus de personnes actives.
En 1999, environ 80% de la population suisse en âge de travailler étaient des personnes occupées six heures par semaine au moins. En Allemagne, ce pourcentage n'était que de 65% ; et même aux États-Unis, il n'atteignait que 74%. Dans aucun autre pays de l'OCDE, la proportion de la population intégrée au marché de l'emploi n'égale, de près ou de loin, celle de la Suisse.
On peut d'autant mieux apprécier la situation lorsque l'on sait qu'au Sommet de Lisbonne, l'UE s'est donné l'objectif ambitieux de porter cette proportion à 70%, ce qui représente encore 10 points de moins que la Suisse ! Un mélange bien dosé de protection sociale des travailleurs, de flexibilité du marché de l'emploi et d'une bonne politique de la formation assure l'intégration à la vie professionnelle du plus grand nombre, même des personnes peu qualifiées. C'est là que réside le secret de la réussite suisse.
Nous ne devons pas abandonner notre approche libérale. Sinon, notre politique d'intégration deviendra une politique d'exclusion. Prenez l'exemple d'autres pays, où l'on applique des salaires minimums légaux, des réductions forcées de l'horaire de travail et de vastes programmes de mise à la retraite anticipée.
Dans de tels régimes économiques, les gens bénéficient certes d'un maximum de protection sociale, mais ils le paient sous la forme d'un taux de chômage bien plus élevé et d'un taux d'activité nettement inférieur.
On le constate notamment avec le chômage des jeunes, très élevé dans de nombreux pays, mais qui n'existe pratiquement pas en Suisse. Le taux de chômage des jeunes de 15 à 19 ans est inférieur à 1%, et la plupart des personnes concernées retrouvent un emploi après trois ou quatre mois. Cette situation réjouissante est aussi une confirmation de la qualité de notre système dual de formation professionnelle, qui favorise très concrètement l'intégration.
Notre politique économique présente, à mon avis, d'importants parallèles avec notre système de démocratie directe. Ce système favorise à juste titre la prise en compte et la participation de tous les groupes d'intérêts politiques. Or, dans notre champ de compétences, nous devons nous aussi faire face à des conflits d'objectifs entre, d'une part, une participation et une intégration de tous et, d'autre part, une adaptation rapide de la politique aux nouvelles conditions cadre.
Ces conflits d'intérêts, nous les vivons notamment dans nos efforts d'ouverture des marchés. Alors que nous avions été bien soutenus, dans les années 90, lors des premières étapes des réformes de la politique économique suisse, on perçoit maintenant une sorte d'essoufflement dans le processus de libéralisation : protestations réitérées contre l'OMC à l'échelle internationale, large opposition - tant à droite qu'à gauche - à la révision de la loi sur les cartels, résistance à l'ouverture du marché de l'électricité pourtant assortie de nombreuses mesures d'accompagnement, vives controverses dans le débat sur l'avenir de Swisscom et de La Poste, jacqueries contre la réforme de l'agriculture, etc. Notre société ouverte est aussi, dans un sens positif, une société porteuse de conflits endémiques, qu'elle a heureusement appris à gérer. Nous pouvons défendre nos diverses convictions et nous avons développé des règles éprouvées pour résoudre les conflits de manière pacifique et constructive. Nous vivons et entretenons un système politique extrêmement efficace fondé sur l'équilibre des pouvoirs. A cet égard, nos principaux instruments sont le partenariat social, les règles de la démocratie directe, donc la mise en concurrence des idées.
L'équilibre des pouvoirs est indispensable, même s'il est parfois inconfortable. Il faut lutter longtemps pour défendre ses convictions et, dans ce combat, il n'est pas sûr de trouver toujours la compréhension souhaitée. Nous nous efforçons donc constamment d'expliquer pourquoi, dans une période où tout va relativement bien, nous devons procéder à de nouvelles adaptations structurelles. Cela ne va pas de soi lorsque même une ouverture des marchés monopolistiques de l'électricité se heurte au scepticisme. Aujourd'hui, on accorde manifestement plus d'importance à la protection des monopoles qu'à la prudente ouverture de marchés cloisonnés, ouverture pourtant assortie de nombreuses mesures d'accompagnement.
Ces tendances sont révélatrices de préoccupations politiques que nous ne prenons pas à la légère. Ce serait toutefois faire preuve de myopie que de céder à l'illusion consistant à croire qu'une concurrence plus poussée et une poursuite de la croissance économique ne revêtent qu'une importance secondaire pour notre société. Nous savons que c'est essentiellement la concurrence qui, en favorisant l'innovation, est le moteur de la croissance économique. Mais la croissance économique n'est pas un but en soi. Il s'agit simplement de produire des richesses qui doivent être réinvesties pour contribuer à la prospérité générale. Je pense en particulier ici à la formation et à la recherche. Il s'agit également d'assurer la base financière de notre politique sociale. Nous savons que l'évolution démographique pose de grands problèmes de financement, non seulement en ce qui concerne la prévoyance vieillesse, mais également le système de santé. Or, un demi point de plus ou de moins par année dans la croissance économique a d'énormes conséquences à long terme pour les assurances sociales.
C'est pour cette raison que le Département fédéral de l'économie attache une telle importance à la croissance économique durable.
Maintenant, nous voudrions vous exposer comment, dans trois secteurs de la politique économique, nous voyons les priorités, qui toutes visent au même but : une croissance économique durable permettant d'accroître la prospérité et d'intégrer un maximum de personnes aux structures économiques d'aujourd'hui et de demain.
Je cède donc la parole aux directeurs du seco, de l'OFAG et de l'OFFT qui vont nous faire part de leur opinion sur l'évolution des domaines dont ils sont responsables.
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