Schweizerisches Rotes Kreuz / Croix-Rouge Suisse
Tribune migration - Journée mondiale des réfugiés, 20 juin 2018
Bern (ots)
Jour après jour, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) égrène le nombre des personnes mortes noyées en mer en tentant de rejoindre les côtes européennes. En de rares occasions, quelques images réveillent nos consciences, mais le plus souvent, ces vies humaines s'éteignent dans l'indifférence.
Dans tous les pays du monde, le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge agit auprès des personnes en situation de rupture ou de fragilité. Qu'il s'agisse d'une victime de catastrophe naturelle, d'un blessé de guerre, d'un enfant handicapé, d'une personne âgée dépendante ou d'une famille qui n'a plus les moyens de se vêtir ou de se nourrir, nous sommes là pour accueillir, protéger, soigner et soutenir.
En vertu du droit et de nos Principes fondamentaux, il ne nous appartient pas de juger les motivations de ces personnes, ni les politiques migratoires des Etats. Le Mouvement ne cherche ni à favoriser la migration, ni à la décourager. Notre rôle n'est pas politique; notre mission est humanitaire et vise à venir en aide aux migrants les plus vulnérables.
Car parmi les personnes contraintes à l'exil, beaucoup sont en situation de fragilité. Indépendamment des raisons qui les ont poussées à fuir (ou du statut juridique qui est le leur), elles sont loin de leur famille, fatiguées, inquiètes. Ici, elles ne sont pas attendues, elles sont exclues.
«Doit-on les accueillir?», «Peut-on les accueillir?», «Comment les accueillir?»: dans tous nos pays, ces questions sensibles sont instrumentalisées dans des débats où se confrontent toutes les passions et toutes les idéologies.
En cette Journée mondiale des réfugiés, nous proposons quelques pistes simples pour aborder ce phénomène complexe. Autour de ces idées, nous formons le voeu que la polémique s'apaise et que les sociétés se rassemblent.
Les Etats démocratiques ont le droit de réglementer la présence de migrants sur leur territoire et de prendre des mesures en vue de leur retour ou de leur éloignement. Mais cela doit se faire dans le respect du droit international et de la législation du pays d'accueil, qui protègent la dignité et les droits de tout individu - notamment celui de vivre en famille, sans stigmatisation et sans discours xénophobes -, quel que soit son statut juridique.
Nous avons le devoir d'assurer un traitement digne à chaque être humain, indépendamment de sa situation et de son avenir administratif. Cela passe par la possibilité pour les personnes tributaires d'une protection internationale de recourir à des voies légales comme la réinstallation ou les visas humanitaires, par l'accès effectif à la procédure d'asile (en veillant à instruire des situations souvent complexes dans un délai raisonnable), par une action déterminée visant à garantir le respect du principe de non-refoulement (en cas d'indices sérieux laissant présager une violation des droits fondamentaux de la personne), par le respect du droit à l'unité familiale (notamment pour les mineurs non accompagnés), par l'accès à des services sociaux, médicaux et psychosociaux de base, à une assistance humanitaire ou encore à une offre d'hébergement appropriée et conforme aux droits ainsi qu'à la dignité des personnes. Il convient en outre de s'assurer que la rétention des migrants - qui peut constituer un réel traumatisme - demeure une mesure de dernier ressort. Les Etats devraient plus particulièrement s'engager à mettre un terme à la rétention d'enfants pour des motifs liés à la migration.
A un traitement humain et à une décision administrative juste doit succéder un parcours d'intégration efficace. Cette efficacité repose sur un bon équilibre entre droits et devoirs. Le droit de se former, de travailler, de se loger dignement, de bénéficier de prestations médicosociales; le devoir d'apprendre la langue du pays hôte, de se conformer à ses lois et à ses moeurs. A cet égard, nous saluons l'Agenda Intégration Suisse adopté par la Confédération et les cantons au printemps 2018. Cette initiative a pour but d'accélérer l'insertion professionnelle et sociale des personnes admises à titre provisoire et des réfugiés, et de diminuer ainsi leur dépendance à l'aide sociale.
Pour réussir cette intégration, c'est toute la société qui doit se mobiliser. Les pouvoirs publics, les professionnels et les volontaires formés à l'action sociale endossent certes un rôle majeur, mais chaque citoyen doit pouvoir participer. Seul un grand élan de solidarité permettra de faire reculer les peurs, d'établir des liens de confiance, de promouvoir la compréhension mutuelle, de rapprocher les points de vue et de tirer parti de l'apport économique et social de ces personnes dont les différences, loin de nous léser, nous enrichissent. La Croix-Rouge suisse, à travers ses associations cantonales et ses organisations de sauvetage, offre une multitude d'activités favorisant l'intégration des migrants.
Enfin, nous devons comprendre que la migration est un phénomène durable et mondial, et non une crise temporaire et européenne. Volontaire ou non, elle procède la plupart du temps d'un mélange de choix et de contraintes telles que la pauvreté, les inégalités, la destruction de l'environnement, les conflits armés ou autres situations de violence. Si l'Europe a un rôle central à jouer dans la coordination des politiques migratoires, c'est à l'échelle du monde que nous devons faire preuve de créativité sociale et oeuvrer sans relâche au respect de la dignité humaine et du droit international, y compris du droit international humanitaire.
En cette Journée mondiale des réfugiés, nous appelons au réveil des consciences et à la refondation d'une politique migratoire durable et responsable.
Croix-Rouge suisse, Annemarie Huber-Hotz, Présidente Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, Elhadj As Sy, Secrétaire général
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