Schweizerischer Nationalfonds / Fonds national suisse
La discrète gestionnaire de crise
Bern (ots)
Sarah Tschudin Sutter étudie comment protéger les personnes hospitalisées des infections, en particulier les germes résistants aux antibiotiques. Ancienne membre de la Task Force Covid-19, elle conseille toujours la Confédération.
Sarah Tschudin Sutter a l'habitude de prendre des décisions rapides dans les situations d'urgence. C'est d'ailleurs ce qu'elle a dû faire en mars 2020, lorsque Matthias Egger, président du Conseil national de la recherche, l'a appelée. Mandaté par la Confédération, ce dernier était à la recherche d'une experte en infection, prévention et contrôle pour constituer la Swiss National Covid-19 Science Task Force. Le Conseil fédéral venait alors de décréter un confinement, les événements se précipitaient en Europe et les images de longues rangées de cercueils devant les hôpitaux de Bergame répandaient l'angoisse et la terreur.
L'infectiologue a immédiatement accepté, même si elle était loin d'imaginer ce que la pandémie allait lui réserver. "Ma spécialité s'est soudain retrouvée sous les feux de la rampe - et j'ai voulu apporter ma contribution face à la crise, explique-t-elle du haut de ses 46 ans. Mais pour les membres de la task force qui travaillaient en même temps à l'hôpital, la charge s'est révélée particulièrement lourde, car le travail hospitalier augmentait lui aussi fortement."
Marquée par l'hygiène hospitalière au Koweït
Sarah Tschudin Sutter ne faisait pas partie des voix les plus fortes de la task force. Elle s'est rarement exposée; les relations avec les médias lui semblaient difficiles. La responsable de l'hygiène hospitalière de l'Hôpital universitaire de Bâle et professeure d'épidémiologie infectieuse à l'Université est réservée et pèse ses mots. Elle n'est pas du genre à faire étalage de ses performances. Il lui arrive même d'avoir un petit rire gêné, comme si parler de sa brillante carrière la rendait mal à l'aise. Il y a plus de vingt ans, alors qu'elle était vraiment captivée par la biologie, elle trouva plus sage d'étudier la médecine. "Je voulais une formation professionnelle, quelque chose de concret." Contrairement aux doutes initiaux de ses parents, qui craignaient qu'un cursus aussi exigeant ne lui demande trop d'efforts, elle a pris plaisir à étudier.
Sa passion pour la recherche et l'infectiologie lui est venue durant sa spécialisation. En 2011, alors postdoc et boursière du Fonds national suisse, elle rejoint pour deux ans le prestigieux Johns Hopkins Hospital de Baltimore et y termine en parallèle un Master en épidémiologie. "Le changement de perspective a été précieux." Elle y découvre un autre système de santé, avec des facteurs tels que la criminalité et la pauvreté beaucoup plus marqués qu'à Bâle. Elle se souvient également de trois visites réalisées à l'Adan Hospital, au Koweït, qui était conseillé par l'hôpital de Baltimore: "L'hôpital se trouvait quasiment au milieu du désert, indique-t-elle. La chaleur détériorait rapidement l'infrastructure et compliquait la mise en oeuvre de mesures de prévention et de lutte contre les infections." A cela s'ajoutaient l'absence de diagnostics modernes, une hygiène des mains souvent insuffisante et une propagation rapide des germes multi-résistants. L'infectiologue y a vécu de près les conséquences dramatiques du manque d'hygiène hospitalière.
Les germes résistants font leur nid à l'hôpital
En 2013, Sarah Tschudin Sutter revient à l'Hôpital universitaire de Bâle et y constitue son premier groupe de recherche avec le soutien répété du FNS. Elle y devient ensuite également professeure. Ses recherches portent principalement sur la propagation de germes résistants à plusieurs antibiotiques dans les hôpitaux. A l'heure actuelle, elle mène des recherches sur un groupe particulier de bactéries, les entérobactéries productrices de BLSE (bêta-lactamases à spectre élargi). "En 2009, lorsque j'ai travaillé pour la première fois dans le domaine de l'hygiène hospitalière, ces bactéries étaient encore relativement rares dans les hôpitaux. Mais depuis, elles se sont bien multipliées." Ces bactéries sont inoffensives pour les personnes en bonne santé, mais peuvent s'avérer mortelles en cas d'infection lors d'une opération.
Pendant longtemps, les spécialistes ont supposé que l'infection des patients par des entérobactéries dans les hôpitaux se produisait surtout en raison d'un manque d'hygiène. L'épidémiologiste s'est penchée sur les causes de ce phénomène dans le cadre d'une étude à grande échelle. Pour ce faire, son équipe a analysé pendant deux ans des échantillons d'eaux usées de l'Hôpital universitaire ainsi que des échantillons d'eau prélevés à différents endroits des canalisations de Bâle. Le résultat fut surprenant: 96% des échantillons d'eaux usées contenaient des entérobactéries productrices de BLSE. Grâce au séquençage de gènes bactériens et à des comparaisons avec des échantillons provenant d'archives de l'Hôpital universitaire, les chercheurs et chercheuses ont également pu déterminer si les patients avaient plutôt hérité des entérobactéries à l'hôpital ou s'ils les avaient rapportées de l'extérieur. Selon ses conclusions de recherche: "De nombreux éléments indiquent que les bactéries se propagent en premier lieu hors de l'hôpital."
Son deuxième axe de recherche est l'hygiène hospitalière. L'épidémiologiste a récemment mené une étude sur la désinfection des mains, car les mains contaminées sont encore et toujours considérées comme la principale source de transmission de germes nocifs pour la santé dans les hôpitaux. L'OMS propose six étapes pour une désinfection complète des mains. "Peu de personnes sont à même de se souvenir de ces étapes. La méthode est donc difficilement applicable dans le quotidien hospitalier", souligne la chercheuse. Elle a par conséquent testé une méthode en trois étapes seulement. Comment? En comparant deux groupes d'étudiantes et d'étudiants qui ont plongé les mains dans une solution pleine de bactéries avant de les laver selon la méthode en trois ou six étapes. "Les résultats des deux groupes étaient comparables", explique Sarah Tschudin Sutter. La méthode a ensuite été introduite à l'Hôpital universitaire de Bâle, où elle a fait l'objet d'un suivi scientifique pratique. L'OMS examine actuellement si elle doit adapter sa recommandation mondiale de la méthode en six étapes.
A nouveau consultante Covid-19
Lorsque la Task Force Covid-19 a été dissoute en mars 2022, Sarah Tschudin Sutter s'est d'abord réjouie d'avoir enfin plus de temps à consacrer à ses propres recherches. Mais la prochaine demande ne s'est pas fait attendre: Tanja Stadler, biostatisticienne à l'ETH Zurich et présidente du Comité consultatif scientifique Covid-19 qui a succédé à la task force, a choisi l'infectiologue bâloise pour faire partie des 14 chercheurs et chercheuses qui continuent à conseiller la Confédération. "Je me suis bien sûr demandé si je devais le refaire", avoue Sarah Tschudin Sutter. Elle estime en effet qu'il n'y a pas que ses recherches qui ont été négligées pendant la pandémie, sa vie privée aussi. A cette époque, elle ne pouvait voir son mari, neurologue et spécialiste en soins intensifs à l'Hôpital universitaire de Bâle que lors de courtes pauses communes. Mais elle a de nouveau accepté. "Durant la pandémie, j'ai travaillé avec des experts et des expertes que je n'aurais jamais pu rencontrer autrement. Ce fut très enrichissant."
Le texte de ce communiqué de presse, une image à télécharger et de plus amples informations sont disponibles sur le site Internet du Fonds national suisse.
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