Changer de poste de travail en Suisse - Pourquoi les employés ont-ils plus de pouvoirs avec leur attitude face à un changement d'emploi que les employeurs avec leur comportement de licenciement?
Zurich (ots)
Chaque année en Suisse, près de 300 000 employés changent d'emploi. Au cours des dernières années, le taux de fluctuation s'est stabilisé à un niveau élevé et suit le cycle de la conjoncture. Voilà le résultat auquel est parvenue la deuxième édition de l'étude Arbeitsplatzwechsel in der Schweiz mandatée par les Employés Suisse et réalisée par l'institut de recherche pour le travail et le droit du travail de l'université de St. Gall. L'étude permet également de tirer des conclusions intéressantes sur les rapports entre le pouvoir des employés avec leur attitude face à un changement de poste et celui des employeurs avec leur comportement de licenciement. Au final, elle révèle que le motif principal des employés qui changent d'emploi est leur insatisfaction face aux conditions de travail (salaire, horaire de travail, etc.). Les Employés Suisse demandent aux employeurs d'en tirer les conséquences.
Pourquoi les employés changent-ils d'emploi et pourquoi le font- ils de leur plein gré? Les Employés Suisse ont voulu en savoir plus et ont mandaté l'institut de recherche pour le travail et le droit du travail de l'université de St. Gall qui a répété l'étude concernant la stabilité du poste de travail et les raisons d'un changement d'emploi en Suisse (Arbeitsplatzstabilität und Arbeitsplatzwechsel in der Schweiz). Les Employés Suisse avaient présenté les résultats de la première étude en 2001. Les conclusions auxquelles sont parvenus PD Dr. Fred Henneberger et PD Dr. Alfonso Sousa-Poza sont très intéressantes, surtout si on les compare à celles obtenues lors de la première étude.
Le taux de fluctuation reste élevé Selon l'enquête suisse sur la population active (ESPA), environ 300 000 employés ont changé d'emploi en Suisse au cours des dix dernières années. Le taux de fluctuation est très élevé dans la restauration (17,9%) et la construction (12,3%). Dans l'industrie des machines, des équipements électriques et des métaux (MEM) par contre, il est légèrement inférieur à la moyenne (8,9%); et dans l'industrie chimique et pharmaceutique, il est même bien inférieur à la moyenne avec un taux de 6,6%. Dans l'ensemble, le taux de 10% est relativement élevé et se situe au-dessus de la moyenne européenne. Les nombreux changements génèrent des coûts transactionnels élevés. C'est pourquoi les Employés Suisse demandent aux employeurs de prendre des mesures à l'encontre de cette fluctuation élevée.
L'emploi reste stable et sûr Cela peut surprendre, mais c'est ainsi: ni la stabilité de l'emploi ni la sécurité de l'emploi n'ont baissé ces dernières années. On peut d'une part constater que la stabilité de l'emploi n'a pas régressé, car l'ancienneté dans l'entreprise a même légèrement augmenté depuis 1991. D'autre part, l'étude a révélé que la plupart des employés quittant un emploi changent simplement de poste de travail (et ne sont pas au chômage). Quant à la sécurité de l'emploi, celle-ci s'est même améliorée depuis la fin des années 90! En effet, la peur de perdre son travail s'est atténuée. Entre 1999 et 2004, 80% de la population active a considéré son poste de travail comme étant très sûr ou plutôt sûr. Par rapport à la situation internationale, le taux de fluctuation prévu et le sentiment face à la sécurité de l'emploi sont supérieurs à la moyenne.
Celui ou celle qui ne souhaite pas changer d'emploi bénéficie donc en Suisse d'une grande sécurité de l'emploi et ce malgré une protection contre les congés fragile quand on la compare à celle d'autres pays. Cette combinaison constitue pour la Suisse un important atout qu'il s'agit de préserver. De plus, il faut également soigner le partenariat social.
Principal motif de changement: l'insatisfaction avec les conditions de travail Si l'on étudie les motifs conduisant à un changement d'emploi, on note que les congés donnés de plein gré par les employés sont généralement dus à des conditions de travail considérées comme insatisfaisantes, à un souhait de changement ou à des raisons familiales et personnelles (entre 41% et 63%). Ils jouent donc un rôle crucial pour le taux de fluctuation en Suisse! Le pourcentage des congés donnés de plein gré varie toutefois beaucoup d'une branche à l'autre. Selon l'ESPA 2005, le plus fort taux a été enregistré dans le secteur Activités financières et assurances (près de 48%), le plus faible par le secteur Autres services et ménages privés (quelque 31%). Le taux de l'industrie MEM s'élève à 42%, celui de l'industrie chimique à près de 38%.
Les conséquences pour une entreprise qui perd des salariés parce qu'ils ne sont pas satisfaits seront toutes négatives. Même si la situation en Suisse n'est pas aussi grave que dans d'autres pays, les employeurs auraient toutes raisons d'améliorer la satisfaction des employés. Un salaire correct, mais également la flexibilisation des heures de travail sont des mesures très efficaces qui ne profitent pas seulement à l'employeur. En effet, des salariés qui peuvent gérer librement leur temps de travail souhaitent moins souvent changer d'emploi que des employés dont l'horaire de travail est rigide! De plus, l'identification avec le travail et les objectifs de l'entreprise, la loyauté et la confiance sont autant de facteurs individualisés importants auxquels les employeurs devraient de nouveau veiller davantage. La flexibilité à elle seule n'arrive en effet pas à les compenser. Il est souvent possible d'atteindre de meilleurs résultats si l'employé peut bénéficier d'un bon équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée (Work Life Balance).
Le deuxième motif de changement le plus souvent cité est le souhait de changer d'emploi. Pour les Employés Suisse, cette démarche n'a rien d'alarmant et est parfaitement normale. Tout employé souhaite évoluer et peut-être ne peut-il le faire que s'il change d'employeur.
Le changement a souvent lieu rapidement Si on compare les changements d'emploi réels et potentiels entre eux, on remarque que par rapport aux personnes n'ayant pas prévu de changer en 2004, 4,6% ont malgré tout opté pour un nouveau poste. D'autre part, seules 25,2% des personnes ayant prévu de changer d'emploi ont réellement changé d'activité en 2005. Au final, cela signifie que la décision de changer d'emploi se prend plutôt à brève échéance. En d'autres termes: les employés réagissent de manière sensible aux imprévus. Les employeurs doivent donc proposer des incitations aux collaborateurs et collaboratrices ayant fait leurs preuves pour les empêcher de changer d'employeur s'ils ne veulent pas les perdre.
Les employés ont une position relativement forte en Suisse Alors que les employeurs affichent un comportement totalement anticyclique lors des licenciements et résilient de nombreux contrats en période de récession, moins en phase de boom, les congés annoncés par les salariés suivent eux le cycle de la conjoncture. Jusqu'en l'an 2000, le taux de mobilité inter-entreprise a progressé, de même que le produit intérieur brut (PIB) réel qui a connu des taux positifs. Ensuite, pendant deux ans, le PIB a plafonné pour fléchir à partir de l'année 2002, même si depuis 2004 on enregistre à nouveau une augmentation visible du taux de croissance du PIB réel. Il semble donc que le taux de fluctuation inter-entreprise suit le cycle de la conjoncture (avec un léger retard), de sorte que les congés donnés par les employés dans le cadre d'une hausse conjoncturelle contrebalancent nettement le comportement de licenciements anticyclique observé chez les employeurs. Ce phénomène suggère que la population active sur le marché du travail a une position relativement forte que ne connaissent pas les pays riverains. Cette dynamique pourrait être due au fait que la Suisse connaît une pénurie de main d'uvre, et surtout de personnel qualifié.
Les Employés Suisse portent un jugement très favorable sur la possibilité qu'ont les employés de contribuer en partie au développement du marché du travail, car ils peuvent ainsi s'épanouir professionnellement. Et les entreprises sont celles qui en profitent au final!
Dans l'industrie MEM, le licenciement est la seconde raison de changer d'emploi (1,96%), voire la première pour le secteur chimique (2,13%). Toutes branches confondues, la moyenne s'élève à 1,46%, le licenciement vient en quatrième position. Dans les branches Chimie et MEM, il semblerait que le pouvoir des employés sur le marché du travail n'est pas aussi important que dans d'autres secteurs.
Une personne sur deux change d'emploi et de branche Plus de la moitié des personnes qui changent d'emploi passent également à une autre branche. D'une part, ce flux peut stimuler une branche, car elle lui procure un savoir-faire provenant d'autres secteurs. D'autre part toutefois, le savoir-faire émigre également vers d'autres branches.
Avec plus de 50% de personnes qui changent de branche, il faut s'attendre à ce qu'une partie des connaissances spécifiques se perde continuellement et à ce que règne une pénurie en experts de la branche. Ces effets se font surtout sentir dans le secteur secondaire, vu que les postes de travail ont tendance à migrer vers le tertiaire. Ces observations ne sont toutefois pas valables pour l'industrie MEM ou la chimie, qui toutes deux affichent un solde positif.
Initier de nouveaux employés ne connaissant pas la branche génère des coûts plus importants que la formation de salariés provenant du même secteur. Les branches devraient donc veiller à pouvoir recruter le plus possible la main d'uvre dans leurs propres rangs.
Les Employés Suisse considèrent la valeur de plus de 50% de personnes qui changent de branche est nettement trop élevée ce taux devrait se situer plutôt autour des 30%.
Le salaire est un critère parmi plusieurs critères déterminants Pour 25 000 personnes uniquement, un salaire trop faible est la principale raison de chercher un nouvel employeur. Pour les hommes, il semble que le salaire joue un rôle un peu plus important. La population active masculine change souvent d'emploi parce qu'elle peut aussi profiter d'une augmentation de salaire au nouvel endroit.
Le salaire doit être approprié mais il n'est pas le seul critère. Pour garder les employés, la satisfaction au poste de travail est visiblement plus importante que le salaire. Cela ne signifie toutefois pas qu'il ne faut pas payer de salaires corrects! Lorsqu'un salarié souhaite changer d'emploi, il prend également en compte des critères tels que la politique salariale et la culture de négociation salariale. Afin d'assurer leur stratégie à long terme, les entreprises perspicaces cherchent à intégrer davantage les travailleurs à la mise en place de la politique salariale. Perdre des salariés uniquement pour des raisons de salaire coûte généralement plus cher que de leur verser un montant un peu plus élevé.
Par rapport à la première étude, le salaire est devenu une raison plus importante de changer d'emploi (2002: 4%, 2005: 8%). Cela est peut-être dû à la discussion concernant les hauts salaires des managers ce qui prouverait que les directeurs ne peuvent pas s'enrichir sans attiser les convoitises des travailleurs!
Le salaire n'est pas la principale raison de changer d'emploi. 56 000 travailleurs disent ne pas avoir assez de travail (c'est-à- dire qu'ils aimeraient bien travailler davantage). Que ces salariés surtout des femmes soient en situation de sous-emploi est un scandale, vu qu'une très grande majorité des salariés surtout les hommes subit de grosses pressions et est soumise au stress. Dans les deux cas, cette situation conduit à l'insatisfaction et favorise les changements d'emploi.
La fluctuation est plus faible dans la Chimie que dans l'industrie MEM Le taux de fluctuation dans l'industrie MEM (2005: 8,9%) est certes inférieur à la moyenne, mais celui de la Chimie/Pharmacie est nettement inférieur (6,6%) à la moyenne des branches (9,7%). La situation est similaire pour le taux de fluctuation concernant l'insatisfaction avec les conditions de travail et le souhait de changer d'emploi (Chimie 2,6%, moyenne 4%). L'industrie MEM se situe ici exactement dans la moyenne des 4%. La tendance fluctuatrice de la population active dans l'industrie des machines se positionne dans la moyenne économique globale, mais est légèrement supérieure au taux du secteur secondaire. Pour l'industrie chimique, ce chiffre est inférieur.
Il semble que l'industrie chimique et pharmaceutique parvient mieux que l'industrie MEM à fidéliser ses salariés. Au cours de ces dernières années, elle a en général enregistré des résultats très positifs. Nous pensons que le taux de fluctuation faible en est une des conséquences. A contrario, nous partons du fait qu'un taux de fluctuation (relativement) faible représente un facteur de succès pour une entreprise. L'industrie MEM aurait tout lieu de se pencher sur l'exemple de l'industrie chimique.
Contact:
Hansjörg Schmid, responsable Communication, Tél. 044 360 11 21,
Portable 076 443 40 40
Les Employés Suisse sont l'organisation des employés la plus
importante des branches MEM (industrie des machines, des équipements
électriques et des métaux) et Chimie/Pharmacie. Environ 25 000
employés y adhèrent. Les Employés Suisse sont nés de la fusion des
deux associations Employés affiliés VSAM (MEM, fondée en 1918) et
VSAC (Chimie, fondée en 1993).