Communiqué de presse
EDI: Île St-Pierre - Pour une politique familiale durable
2004-08-31T10:03:52
Berne (ots) - Seule la version orale fait foi Mesdames, Messieurs, Je vous souhaite la bienvenue à l'occasion de notre rencontre 2004
sur l'Île St-Pierre. Si quelques-uns parmi vous craignaient déjà de
devoir renoncer cette année à notre marche traditionnelle, je les
rassure : elle continuera à avoir lieu, mais ce sera, selon les
circonstances, avant ou après la pause d'été. Je souhaite, cette année, mettre la " politique familiale " au
centre de nos réflexions. C'est en effet le thème politique
transversal de notre époque, car il reflète les mutations sociales.
L'évolution des structures familiales est le miroir de la société. Le Rapport sur les familles retrace l'évolution des dernières
décennies et constitue un état des lieux de la politique familiale
actuelle Tel est l'objectif principal du nouveau " Rapport sur les familles "
: ce rapport, le deuxième du genre au niveau national après celui de
1978, retrace les mutations de la famille au cours des dernières
décennies en termes de statistiques, décrit les changements et met
en lumière ce qui évolue en permanence sans que nous le remarquions. Ce rapport analyse la politique familiale de manière critique. Il
présente tous les aspects de cette politique, montre ce que font la
Confédération, les cantons et les communes et relève aussi les
lacunes existantes. Enfin, il compare la politique familiale en
Suisse à celle des pays voisins et la replace dans le contexte
européen. Divisé en deux parties, le rapport montre comment la politique
familiale, conçue à son origine comme une politique de lutte contre
la pauvreté, s'est efforcée au cours des dernières années
d'améliorer la compatibilité entre vie familiale et activité
professionnelle. Les raisons à cette évolution sont liées à la politique de
l'égalité, à la conjoncture économique, à la situation sur le marché
de l'emploi. Le Rapport sur la famille permet enfin de constater que
les pays industrialisés européens admettent de plus en plus la
nécessité d'une politique démographique. Fossé entre le désir de fonder une famille et la réalité La Suisse a toujours moins d'enfants. Aujourd'hui, les femmes
suisses ont moitié moins d'enfants qu'au milieu des années 60 : en
moyenne 1,4 alors qu'en 1970, elles en avaient 2,1. Comme vous
pouvez le voir sur le graphique 1, cette évolution s'accompagne
d'une augmentation constante du nombre de femmes sans enfants,
notamment chez les femmes ayant fait des études universitaires.
Aujourd'hui, un cinquième des femmes n'a pas d'enfants. Une première question se pose : les jeunes gens ont-ils de moins en
moins envie d'avoir des enfants ? Le graphique suivant (2) nous
montre que ce n'est pas le cas. Quel que soit le niveau d'études, le
nombre d'enfants désirés dépasse le nombre d'enfants effectivement
mis au monde. Cet écart s'accentue chez les femmes qui ont fait des
études universitaires. Ce qui frappe, c'est que pendant la vie
professionnelle, ces souhaits sont radicalement revus à la baisse.
Cela prouve que les couples désireux de fonder une famille ou
d'avoir d'autres enfants sont confrontés à trop d'obstacles. Fossé entre désir de travailler et possibilités effectives Nous constatons un deuxième point : les jeunes mères souhaitent
travailler davantage. Elles sont plus nombreuses à travailler
qu'autrefois. Dans presque la moitié des couples, la femme travaille
à temps partiel et l'homme à plein temps. Mais c'est précisément parmi les mères que le taux de sans-emploi
est le plus élevé (graphique 3) et le taux de sous-emploi le plus
fort (graphique 4). Il est évident qu'il y a trop peu d'emplois à
temps partiel. D'une manière générale, trop d'obstacles s'opposent à
ce que les mères puissent travailler autant qu'elles le voudraient. La Suisse a besoin de plus d'enfants et de plus de femmes qui
travaillent La société ne doit pas mettre des obstacles à ces souhaits. Les
enfants font le bonheur des parents, mais aussi celui de la société.
Une société qui a davantage d'enfants est une société qui a moins de
problèmes démographiques, des uvres sociales plus stables et une
capacité d'innovation plus forte. Chacun sait aussi qu'il est avantageux pour l'économie suisse que
les femmes, dont la formation est aussi bonne que les hommes,
mettent à profit dans la vie professionnelle leurs compétences. Et
puis les cotisations qu'elles versent contribuent de surcroît à
stabiliser les uvres sociales. La Suisse peut-elle réellement se permettre de renoncer aux
compétences des femmes ? Peut-elle se permettre d'avoir toujours
moins d'enfants, notamment chez les universitaires ? Ce sont là des
questions délicates et la comparaison européenne montre que les
solutions ne sont pas évidentes. Cela dit, il y a une chose à laquelle la société ne peut renoncer :
c'est d'observer. Refuser de voir la réalité ne sert à rien. C'est
pourquoi j'espère que ce Rapport sur les familles incitera à
réfléchir. Pour une " politique familiale durable " Il faut commencer par oser aborder la question de la natalité. C'est
ce que font de plus en plus de pays européens. Pendant longtemps, la
France a été le seul pays à aborder ouvertement le sujet. D'autres
pays se mettent à discuter de politique démographique. C'est ainsi
que l'Allemagne, où pour des raisons évidentes ce sujet était tabou
depuis 50 ans, a commandé il y a six mois une étude qui a suscité
beaucoup d'intérêt et dont j'approuve l'esprit. Celle-ci parvient à
la conclusion que l'Allemagne doit viser un double objectif :
augmenter le taux de natalité et le taux d'activité professionnelle
des femmes. C'est exactement ce dont la Suisse a aussi besoin. Mais
le libéral que je suis entend préciser un point : il n'appartient
pas à l'Etat de s'ingérer dans la sphère privée des individus. Dans cet esprit, j'ai du mal à utiliser des termes comme " politique
démographique " ou " politique nataliste ". Le rôle de l'Etat doit
se borner à éliminer les obstacles afin que les enfants désirés
puissent venir au monde. Il doit aussi supprimer tout ce qui
défavorise les femmes sur le marché du travail. Pour cela, nous devons passer de la politique familiale
traditionnelle à une politique familiale durable. Principes d'une politique familiale durable Qu'est-ce que j'entends par " politique familiale durable " ? Par
rapport à la politique familiale traditionnelle où il s'agit de "
faire quelque chose en faveur des familles ", nous devrions nous
préoccuper davantage de ce qui incite les jeunes couples de fonder
une famille ou d'avoir un deuxième ou un troisième enfant. C'est-à-dire nous demander " comment faire en sorte que la vie
familiale soit encore possible dans 20 ans ? ". Nous devons procéder
au même changement de paradigme qui a marqué la politique
environnementale, financière ou sociale, c'est-à-dire mettre la "
durabilité " au cur des préoccupations. Comme le montre le rapport, la politique familiale traditionnelle
est conduite selon les axes suivants :
* redistribution verticale (compensation des charges et protection
contre la pauvreté)
* redistribution horizontale (indemnisation des prestations fournies
par les familles)
* combattre les désavantages structurels qui touchent les couples
avec enfants (compensation par rapport à ceux qui n'ont pas
d'enfants)
* intérêt de l'enfant
* politique de l'égalité (hommes-femmes)
* politique démographique (surtout en France) Quels sont dès lors les points essentiels d'une politique familiale
durable ? Il y en a un qui fait l'unanimité des experts. Ce n'est
pas le soutien financier et le coût des enfants qui sont les
principaux obstacles à la réalisation du désir d'enfants, mais les
problèmes qui se posent lorsque l'on veut concilier vie familiale et
activité professionnelle. Ce ne sont donc pas les coûts directs
occasionnés par les enfants qui sont un obstacle mais les coûts
indirects, les coûts d'opportunité, qui amènent à choisir entre une
vie avec enfant(s) et une vie sans enfant. De plus en plus souvent,
cela conduit les couples à renoncer à avoir des ou d'autres enfants. Si l'on veut mener une politique familiale durable, il faut donc
avant tout réduire ces coûts d'opportunité et par conséquent mettre
la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle au centre
de cette politique. Le rapport recense les différentes manières de mener une politique
familiale. Celle de la Suisse peut être qualifiée de libérale et
subsidiaire, ce qui la différencie du modèle social-démocrate des
pays nordiques, du schéma " familiariste " français, mais aussi des
politiques peu développées des pays du sud de l'Europe. C'est au
système anglais que la politique suisse s'apparente le plus, mais à
un niveau beaucoup plus élevé sur le plan quantitatif. On retrouve ces disparités, en partie d'origine culturelle,
lorsqu'on compare les modèles des cantons et des communes. C'est
ainsi que la politique familiale tessinoise a peu de points communs
avec celle d'Appenzell-Rhodes intérieures. Faudrait-il dès lors que
la Confédération intervienne ? Actuellement, deux questions de ce genre sont discutées au
Parlement. Il s'agit de savoir, d'une part, si les allocations
familiales doivent être réglées au niveau fédéral (initiative
parlementaire Fankhauser) et, d'autre part, si les prestations
complémentaires destinées aux familles dans le besoin (initiative
parlementaire Fehr/Meier-Schatz) doivent aussi être aménagées au
niveau fédéral. Dans les deux cas, il y a de bons arguments pour et contre une plus
grande influence de la Confédération. Le Conseil fédéral se penchera
en automne sur le sujet dès qu'un projet concret aura été élaboré. Comme je l'ai déjà dit, il est clair, s'agissant d'une politique
familiale durable, que les deux initiatives parlementaires en
question, qui sont des projets de transferts financiers, ne
contribuent qu'indirectement à concilier vie familiale et vie
professionnelle. Elles ne peuvent donc pas être considérées comme
les priorités d'une politique familiale durable. De plus, il ne faut pas assimiler la politique familiale durable à
un transfert de tâches des cantons à la Confédération. Cette
politique devrait être menée à tous les niveaux. Points essentiels d'une politique familiale durable J'aimerais citer quelques points essentiels d'une politique
familiale durable. Ils concernent, l'échelon fédéral, cantonal ou
communal ainsi que les niveaux non-étatiques. 1. Pour améliorer la compatibilité entre vie familiale et vie
professionnelle, il faut si possible instaurer partout des "
périodes bloc " au jardin d'enfants et à l'école. Le Conseil
fédéral, sur proposition de mon département, a accepté une motion
dans ce sens (groupe radical-libéral/Langenberger). Celle-ci exige
que tous les cantons s'y mettent. A défaut, la Confédération devra
intervenir comme cela a été le cas pour l'harmonisation de la
rentrée des classes. Il faut de surcroît augmenter l'offre d'écoles
de jour, au niveau cantonal. 2. Il est souhaitable de scolariser les enfants plus tôt. Cette
mesure est nécessaire pour des raisons de politique familiale et
pour des motifs de formation et d'intégration. Vous voyez sur le
graphique 5 les différences cantonales quant aux entrées au jardin
d'enfants. Vous constatez sur le graphique suivant que les
performances scolaires en Suisse dépendent trop du niveau de
formation des parents (graphique 6). Une entrée à l'école plus
précoce permettra de lutter contre cela. 3. Crèches: les crèches sont une excellente chose tant dans
l'optique de la conciliation entre vie professionnelle et vie
familiale que dans celle de la politique d'intégration et de
l'égalité des chances. Elles répondent à un véritable besoin.
Sachant que l'offre est insuffisante dans de nombreuses parties du
pays, le Parlement a créé des incitations financières. Il s'agit
d'une mesure d'encouragement de la Confédération limitée dans le
temps. J'ai été étonné de voir que les ressources disponibles n'ont
pas été utilisées dans la mesure escomptée. L'évaluation que j'ai
mandatée devra m'en donner les raisons. Les ajustements nécessaires
devront être déjà réalisés dans le cadre de la deuxième tranche de
crédit. Je me demande toutefois quel doit être le rôle de l'Etat à long
terme dans ce domaine ? La politique doit-elle intervenir dans l'aménagement de crèches en
imposant des charges bureaucratiques ? Les crèches d'un canton qui
impose peu de réglementation sont-elles moins bonnes que d'autres
crèches où toute une série de conditions doivent être remplies ? Le
perfectionnisme helvétique explique-t-il le coût élevé ou trop élevé
des crèches ? Je souhaite des réponses à toutes ces questions. Je me demande
parfois si les subventions allouées aux crèches par l'Etat ne
pourraient pas être aménagées en fonction de la demande.
Aujourd'hui, ce sont les places qui sont subventionnées. Demain, on
pourrait imaginer un système où les demandeurs recevraient des bons
d'assistance. Ainsi, les fournisseurs de prestations seraient soumis
à une certaine concurrence. Je vais charger l'administration
d'étudier un modèle de ce genre. Sur la base des résultats de cette
étude, les communes ou les cantons pourraient démarrer des
expériences. 4. Je pense qu'il faudrait créer au niveau cantonal une Conférence
des directeurs des affaires familiales qui s'occuperait uniquement
des questions relatives à la famille et assurerait une certaine
harmonisation intercantonale. Une étude publiée par la Conférence
suisse des institutions d'action sociale (CSIAS) démontre que
plusieurs cantons ne mènent pas encore une politique familiale
cohérente. 5. Des organismes privés devraient établir des ratings pour noter
les communes et les cantons favorables aux familles (j'ai récemment
lu une bonne notation concernant les communes du canton de Zurich à
ce propos) et pour promouvoir la compétitivité entre les localités. 6. Des contrats pour la famille (autorités communales, paroissiales,
familles, entreprises locales) allant dans le sens de " Public-
Private-Partnerships " pourraient être institutionalisés au niveau
des communes qui est l'échelon idoine en matière de politique
familiale concrète. 7. Il convient, justement dans l'esprit d'une " Alliance "
stratégique en faveur de la famille, d'intégrer le monde de
l'entreprise. Il faudrait instaurer au niveau national une alliance
entre les autorités et les (grandes) entreprises pour promouvoir une
culture d'entreprise favorable à la famille. Le Département de
l'Économie a pris de telles initiatives en réponse à une motion.
Nous avons besoin de modèles de temps de travail favorables à la
famille. On peut songer ici aussi à des ratings, ou à des systèmes
de certification. 8. L'évolution de la famille doit être suivie de près. C'est
pourquoi j'ai décidé de faire mettre à jour la partie statistique du
Rapport tous les deux ans. Il faut aussi améliorer les statistiques
sur les thèmes relevant de la politique familiale (allocations pour
enfant, offres d'accueil extra-familial). 9. Dans le domaine de l'imposition de la famille, il s'agit de
réaliser le principe important de l'imposition individuelle. Pour
lutter contre la pauvreté des familles, on pourrait étudier
l'instauration d'un impôt négatif sur le revenu ou des bonifications
fiscales pour les working poors. Le graphique suivant (graphique 7)
vous montre que ce problème n'est pas encore résolu à l'heure
actuelle. 10. Enfin, le congé maternité fait lui aussi sens dans le contexte
d'une politique familiale durable. Il faut susciter un vaste débat L'une des conclusions du présent Rapport sur la famille est qu'il
faut élaborer une stratégie au niveau national. J'ai esquissé les
grands traits du projet de politique familiale durable. Les dix
points essentiels proposés doivent maintenant être discutés et
complétés. Je souhaite qu'un vaste débat sur la politique familiale durable
s'instaure car la politique familiale est une politique sociétale au
meilleur sens du terme. Il ressort d'études comparatives réalisées dans les pays voisins que
les particularités culturelles et les traditions jouent un grand
rôle dans la politique familiale. Ainsi, la même recette de
politique familiale durable n'aura pas partout le même succès. En Suisse des études montrent que les mutations qui se produisent
dans le monde du travail (toujours plus d'horaires de travail
irréguliers, fréquents changements de lieu de travail) rendent la
conciliation entre vie professionnelle et vie familiale plus
difficile. Le temps consacré à la famille et celui consacré à l'activité
professionnelle s'imbriquent, les disparités quant à la durée et au
lieu de l'activité professionnelle peuvent détruire le vécu
quotidien de la famille. Nous aurons besoin à l'avenir de nouveaux rapports sur la famille et
de nouvelles analyses. La pire des attitudes serait de fermer les
yeux face à l'évolution actuelle. D'où la manifestation
d'aujourd'hui. Sans enfants, une société n'a pas d'avenir. L'Europe l'a compris. La
Suisse doit elle aussi se réveiller. Je vous remercie de votre attention. Informations supplémentaires: www.bsv.admin.ch
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