Faits rapportés par un témoin: la recherche de la vérité ne se satisfait pas d'une simple juxtaposition de la parole du témoin et de son contradicteur (prise de position 77/2020)
Bern (ots) -
Parties: Rouge c. "20 minutes" et "Vigousse"
Thèmes: Recherche de la vérité / Témoignage anonyme / Audition lors de reproches graves / Forum en ligne
Plainte contre "20 minutes" rejetée
Plainte contre "Vigousse" partiellement acceptée
Résumé
Les médias peuvent-ils, dans le cadre d'une couverture sur les réorientations stratégiques d'une radio, publier des faits rapportés par un témoin opposé à cette radio sans opérer de vérification de leur véracité? Pour le Conseil de la presse, cela n'est pas admissible: la recherche de la vérité implique de vérifier, autant que faire se peut, les faits rapportés par un témoin, surtout lorsque ce dernier est en conflit avec l'institution concernée par ces faits.
En novembre 2018, "20 Minutes", puis "Vigousse", publient chacun un article rapportant les réorientations stratégiques opérées par la radio Rouge FM. Le premier titre angle son article sur les liens de ces réorientations avec la politique de l'OFCOM. Le second titre reprend les informations données par le premier et se focalise, pour sa part, sur les paroles d'un témoin, ancien employé de la radio, qui critique sévèrement les choix fait par Rouge. Ce témoin est désigné dans l'article par un nom d'emprunt, et avance plusieurs fausses informations - ce que "Vigousse" admettra par la suite dans sa défense. L'article se contente pourtant de rapporter les informations par la bouche du témoin, et d'ajouter dans la suite de l'article les réponses de la directrice de Rouge.
La parution de ces deux articles pousse Rouge à saisir le Conseil suisse de la presse, estimant que la recherche de la vérité, mais aussi l'audition en cas de reproche grave n'ont pas été respectés, et que l'anonymisation du témoin était abusive en l'espèce.
Si le Conseil suisse de la presse reconnaît que "Vigousse" avait le droit de donner un nom d'emprunt pour protéger son témoin, et que la directrice a bien eu l'occasion d'être entendue, contrairement à ce qu'elle prétend, il note par contre que plusieurs informations livrées par l'article relevaient de la seule parole du témoin et se sont par la suite avérées erronées. Or reproduire simplement les réponses de la directrice de Rouge ne dédouane pas le journaliste de son devoir de vérifier que les affirmations de son témoin correspondent aux faits, et de les nuancer explicitement si besoin. Le journal, en se contentant de juxtaposer arguments et contre-arguments, n'a donc pas rempli ses devoirs élémentaires en matière de recherche de la vérité.
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