Les organisations concernées demandent que le Conseil national fixe des jalons clairs dans la politique en matière de drogue
Berne, le 15 octobre 2002 - A l'occasion d'une conférence de presse, la CPD (Communauté nationale de travail politique de la drogue) a exhorté la Commission préconsultative du Conseil national, dans le débat qui se profile à propos de la révision de la Loi sur les stupéfiants, à tenir compte de manière rigoureuse des connaissances scientifiques et du succès des expériences de ces dernières années. La CPD regroupe un large éventail d'organisations nationales spécialisées, notamment pro juventute, la FMH (Fédération des médecins suisses), le VSD (Verband Sucht- und Drogenfachleute Deutschschweiz), GREAT (Groupement romand d'études sur l'alcoolisme et autres toxicomanies), l'Aide Suisse contre le Sida, ARUD (Arbeitsgemeinschaft für einen risikoarmen Umgang mit Drogen) et d'autres encore.
"Bien que le débat soit en cours depuis plus de dix ans et que plusieurs votations populaires aient déjà eu lieu sur ces questions, des éléments essentiels de la nouvelle Loi sur les stupéfiants n'ont pas encore été définis" a expliqué Athos Staub, membre du Comité de la CPD et d'ARUD. Le modèle dit "des quatre piliers" de la politique en matière de drogue (prévention, thérapie, aide à la survie et répression) paraît incontesté. C'est dans les domaines relevant du cannabis, du financement, du renforcement de la protection de la jeunesse et de la poursuite pénale des toxicomanes que la Commission du Conseil national est appelée à fixer des jalons essentiels. Au vu du nombre élevé de consommateurs et du faible risque de dépendance lié à la consommation de cannabis, il s'agit de définir une réglementation simple et pragmatique de la culture, du commerce et de la consommation de cannabis. L'intention n'étant nullement de banaliser la consommation de cannabis, il est prévu d'introduire des mesures efficaces de protection de la jeunesse dans la nouvelle loi. La révision devra permettre aussi de déterminer de manière claire les rôles respectifs de la Confédération, des cantons et des organisations sociales dans le financement des quatre piliers, notamment en définissant une affectation pour l'argent saisi provenant du trafic de stupéfiants. En outre, pour ce qui concerne les traitements à base d'héroïne qui ont fait leurs preuves et se fondent aujourd'hui sur un arrêté fédéral urgent, il faudra leur donner un ancrage à long terme dans la nouvelle loi.
Les divergences sont profondes en ce qui concerne la poursuite pénale des personnes dépendantes qui consomment des produits autres que le cannabis. Alors que le Conseil fédéral souhaiterait obtenir la compétence d'édicter une dépénalisation sous conditions de la consommation et des actes préparatoires, par la voie de l'ordonnance, le Conseil des Etats a décidé au mois de décembre dernier de maintenir la règle actuelle et donc de continuer de poursuivre toute consommation. Cette solution est en contradiction avec la pratique dans les centres urbains et risque de cimenter les différences qui existent aujourd'hui entre les cantons. A la lumière des expériences de ces dernières années et de solides connaissances professionnelles, la CPD demande que le Conseil national opte pour la solution proposée par la sous-commission "Drogues" de la Commission fédérale des stupéfiants. En médecine aussi, il est admis d'une manière générale que la dépendance est une maladie qui se caractérise par le besoin impératif de consommer. Sur une telle toile de fond, les interdictions et les poursuites pénales sont inutiles, voire contre-productives d'un point de vue thérapeutique, car elles engendrent une pression supplémentaire sur les toxicomanes et déclenchent un processus de désintégration sociale, comme l'a expliqué rené Akeret, de VDS - Verband Sucht- und Drogenfachleute (association des spécialistes de la drogue et de dépendances). Aux yeux de la CPD se pose la question du sens d'une loi qu'il est impossible d'appliquer systématiquement, car les ressources policières manquent. Il conviendrait dès lors de concentrer le travail de la police sur la poursuite de la criminalité organisée et contre le développement de scènes de la drogue, car il y a là un intérêt public à protéger. Il faut donc dépénaliser la consommation pour autant qu'elle ne mette pas des tiers en danger.
En outre, la CPD demande de renoncer à poursuivre le "petit trafic" servant à financer la consommation personnelle. Ce serait là une contribution à la lutte contre la criminalité liée au besoin de se procurer des stupéfiants. "Les personnes dépendantes ne sont pas des citoyens de deuxième classe", c'est ce qu'ont expliqué les organisateurs de la conférence de presse. C'est pourquoi les poursuites qui les concernent doivent respecter le principe de proportionnalité et n'intervenir que lorsque des biens publics sont en danger. Une position pragmatique qui se justifie également d'un point de vue économique. En effet, Willy Oggier chiffre à environ 30 millions de francs par année les économies qui pourraient être faites en renonçant à poursuivre la consommation.
Contact:
Athos Staub
président d'ARUD Zurich
Tél. +41/79/451'71'74
Daniela Dombrowski
coordinatrice CPD
Pro Juventute
Zurich
Tél. +41/1/256'77'67
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