Discours Suisse - Enseignement des langues étrangères à l'école - Le canton de Berne divisé au sujet de l'anglais précoce
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Par Pablo Crivelli, ats
Berne (ats/ots) Le canton de Berne est sous pression après le choix des cantons de Suisse centrale et orientale d'enseigner l'anglais avant une langue nationale. Instituteurs et parents alémaniques semblent pencher pour la langue de Shakespeare au détriment du français, au grand dam des francophones.
Le Conseil d'Etat devrait se prononcer au printemps prochain sur la question de savoir quel idiome étranger sera enseigné en premier à l'école obligatoire.
Même la Conférence des directeurs cantonaux de l'instruction publique (CDIP) a dû s'incliner devant ce mouvement en faveur de l'anglais en Suisse alémanique. Dans ses recommandations adressées aux cantons en mars dernier, la CDIP les a invités à intégrer deux langues étrangères, dont une nationale, dans les programmes de l'école primaire, sans toutefois préciser à quelle langue il faut donner la priorité.
Cette solution de compromis a été critiquée par le conseiller d'Etat bernois francophone Mario Annoni, qui aurait préféré une solution en faveur de la langue nationale.
Depuis, M. Annoni a mis de l'eau dans son vin, n'excluant pas une solution ad hoc pour les différentes régions du canton. Celles-ci pourraient choisir à l'avenir quelle langue elles entendent favoriser.
Nouvelles technologies
Parmi les enseignants et parents alémaniques, l'anglais est toujours plus populaire, affirme la porte-parole du syndicat des enseignants bernois (LEBE), Irene Hänsenberger. "J'ai l'impression que les jeunes le préfèrent au français parce qu'il est plus facile à apprendre. Les parents eux le jugent indispensable pour maîtriser les nouvelles technologies", déclare-t-elle.
"Au sein de notre association, les enseignants sont divisés, même si l'aiguille de la balance semble pencher en faveur de l'anglais avant le français", ajoute Mme Hänsenberger.
Pour Ursula Brunner, de l'association "Schule und Elternhaus", les parents semblent être séduits par l'anglais. Selon elle, le côté utilitaire conjugué aux exigences de l'économie prend le pas sur d'autres considérations.
Une erreur
"Je comprends l'attraction exercée par l'anglais sur les jeunes à cause des nouvelles technologies et des exigences de l'économie", déclare pour sa part Lucien Bühler, président de la section romande de LEBE.
"On se laisse toutefois trop influencer", ajoute-t-il, avant d'avertir que "si Berne devait donner la priorité à l'anglais au détriment du français, il s'agirait d'une erreur, entraînant des conséquences néfastes pour la cohésion du canton".
"Je n'ai rien contre l'anglais, assure M. Bühler, mais je crois que le français doit être enseigné en premier et cela devrait être aussi le cas dans les autres cantons alémaniques". "En optant pour l'anglais, ces derniers n'ont pas fait preuve de solidarité avec la Suisse romande, qui s'efforce depuis des années d'harmoniser les programmes d'étude pour l'allemand", insiste M. Bühler.
Motion UDC pour l'anglais
Entre-temps, le chef du groupe UDC au Grand Conseil Werner Lüthi a déposé une motion à titre personnel réclamant l'introduction de l'anglais en branche facultative dès la 3e année, avec le français dès la 5e année. Une proposition qui préoccupe Lucien Bühler, selon lequel ces cours d'anglais pourraient devenir à terme obligatoires.
Le président de l'UDC bernoise Hermann Weyeneth se veut rassurant: "Le français reste pour nous prioritaire", affirme-t-il. "Je ne voudrais pas qu'à l'avenir, les Bernois doivent recourir à l'anglais pour se comprendre. La cohésion nationale passe avant les exigences de l'informatique".
Socialistes divisés
Une partie du camp socialiste penche pour l'anglais avant le français, admet pour sa part le chef du groupe au Parlement cantonal Andreas Rickenbacher. L'anglais, que les enfants apprennent plus rapidement, faciliterait l'acquisition d'autres langues, selon lui.
M. Rickenbacher estime néanmoins que la question de la priorité est vue comme un dogme. C'est une position compréhensible du point de vue politique, mais qui ne tient pas compte de l'intérêt des enfants. Ce dernier doit primer sur toute autre considération.
M. Rickenbacher juge en outre exagérés les problèmes de cohésion nationale invoqués par certains. La diffusion de l'anglais est finalement une réalité que la politique ne peut pas changer, selon lui.
Fondamental
Pour un autre élu socialiste au Grand Conseil, Christophe Gagnebin, le rang occupé par les langues nationales dans l'enseignement obligatoire est en revanche fondamental car cette question renvoie à la primauté de la politique ou de l'économie. Si on donne trop de poids à cette dernière, "la construction politique sera menacée", avertit le socialiste du Jura bernois.
Ce dernier estime aussi que si on opte pour l'anglais précoce, l'enseignement des langues nationales en ressentira. L'anglais n'a pas besoin d'un soutien particulier, "parce que celui qui en aura besoin l'apprendra de toute manière".
Artificiel
Pour Johannes Matyassy, président du Parti radical bernois, le dilemme de la priorité anglais/français est secondaire. "Même si je comprends les sentiments des minorités, les objections sur la cohésion nationale me semblent créées artificiellement par des politiciens qui voient les problèmes plus grands qu'ils ne sont en réalité", déclare-t-il.
En ce qui concerne le débat au Grand Conseil, programmé au printemps prochain, M. Matyassy se dit convaincu que les députés se prononceront en faveur du français avant l'anglais. "Berne doit défendre sa crédibilité de canton bilingue: une décision différente ne serait pas comprise".
NOTE: Cet article est diffusé dans le cadre de la série "Discours Suisse". Celle-ci a pour objectif de promouvoir la compréhension entre les communautés linguistiques de Suisse. Elle est le fruit d'une collaboration entre Forum Helveticum, Netzwerk Müllerhaus et l'ats. Vous trouvez de plus amples informations sous www.discours-suisse.ch.
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